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La toujours-coupable
 

Batailles choisies #559

C’est juste une petite sortie au café pour aller manger une glace, non? En une heure, je vais me sentir coupable sept fois. Bienvenue dans la vie de mère. 7️⃣


 

1- 

- Bon, on arrête la télé, hein. Non, non, les deux heures sont passées!

Et bien passées. Quand je le franchis les deux heures, mon seuil de culpabilité, je sens mon cœur prendre l’eau, aussi mouillé que mes beaux principes d’éducation à l’air libre et sans écran. Il faudrait que je fasse des jeux de société avec les enfants, surtout quand Dernier fait la sieste… je devrais pas les coller devant Ninjago, vraiment… 

Soupir.


2- 

- On y va! Mais quoi? Mais qu’est-ce qu’il y a! On arrête les disputes, là! Qu’est-ce qu’il se passe, Milieu? Ton frère t’a frappé? Écoute, je vais en reparler avec lui, d’accord, là on doit sortir.

Dernier, qui vient de se réveiller, est d’humeur potable, Grand ne boude pas, et je me débrouille avec le chagrin de Milieu: il faut donc profiter de l’élan et absolument sortir. Une fois dehors, ça ira mieux, je le sais. Je devrais pas laisser couler comme ça…

Soupir.


3-

- En voiture, oui, on y va en voiture, les enfants.

Il faudrait y aller en vélo, c’est à moins de cinq kilomètres, la planète, tout ça. Quel genre de mère je suis, quel genre de futur je laisse à mes enfants, oh la la. Mais la roue de ma remorque est crevée…

Soupir.


4-

- Oui, Grand, la roue de la remorque est toujours cassée. Pourquoi je ne la répare pas? Ben, je ne sais pas faire…

Il faudrait vraiment que j’apprenne à faire ce genre de choses toute seule, au lieu de devoir demander à Mari, c’est pas comme ça que je vais éliminer le patriarcat. Je me dis autrice féministe et voilà, même pas capable réparer ma remorque… 

Soupir.


5-

- Donc 3 glaces… un déca et…et…peut-être…si, je vais prendre une part de carrot-cake. 

Oh, je devrais pas, je devrais pas. J’ai pris un ou deux kilos dernièrement… et je sais bien comment ça marche, les gâteaux chiliens ont toujours l’air bon mais ils sont trop sucrés, je vais mordre une bouchée, être contente pendant dix secondes et me sentir coupable… 

Soupir.


6-

- Oui, oui, un latte décaféiné, c’est bien ça.

- Très bien, mais c’est un produit un peu plus cher, je préfère vous le dire. 

- Euh… d’accord. Oui, je le prends quand même. 

Pourquoi il me dit ça, le serveur? Je n’ai pas le droit de dépenser deux mille pesos en plus pour moi, c’est ça? En même temps, peut-être qu’il a raison, c’est sûr qu’ils ne vont pas finir leur glace! Au lieu de prendre une part de gâteau, j’aurais dû finir leurs glaces. Je vais gâcher notre argent, c’est pas raisonnable…

Soupir.


7-

- Chut! Moins fort, enfin, Milieu…

- Mais Maman, je veux faire caca!

- Caca pipi popotin!

- Dernier, chut… ne hurle pas comme ça… 

Qu’est-ce qu’ils sont mal élevés… Vraiment, je ne suis pas souvent fière de mes enfants en public. Dernier a de la glace au chocolat autour de la bouche, dans le nez, sur les paupières et dans les cheveux. Là, mon petit bout, à qui ses grands frères ont appris à crier des grossièretés quand ils jouent à cache-cache, s’en donne à cœur joie pour une mortification personnalisée. Milieu me tire par la manche parce qu’il veut faire caca, Grand s’est traîné sous une table pour se cacher et est donc dégoûtant. Ils ne savent pas se tenir en public, c’est terrifiant, je devrais les élever mieux. 

J’ai réussi à entraîner tout le monde dans les petites toilettes du café, Milieu fait caca la porte ouverte pendant que je change Dernier, debout au-dessus du lavabo, en galérant, pendant que mon aîné fait des commentaires très fort et distinctement sur les productions de ses frères. Alors que je suis presque au bout de mes peines, mais que je monopolise les toilettes, on pousse doucement la porte:

- Tout va bien, là-dedans? vient me demander une serveuse.

- Euh, oui, oui, je m 'en sors, dis-je d’un ton qui manque d’entrain.

Je devrais arrêter de m’imposer ce genre de sortie… Bon, je réussis à payer, à ramasser nos affaires.

- On rentre les enfants!

- Euh, Maman, il fallait pas qu’on passe à la pharmacie pour Dernier?- 

- Si, Grand, mais je n’ai plus le courage… pffff…


8 (et un pour la route…) -

- On commencera le traitement demain.

Soupir.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Radine
 

Batailles choisies #363

Ne croyez pas que cette histoire d’argent finira par une belle leçon de morale. Non. Elle aura pour chute mon fils qui me met la honte internationale. #faitesdesgosses 💸


 

Je suis une mère dynamique qui déteste se retrouver à la maison à tourner en rond avec trois enfants. Je suis donc, le plus souvent possible, dehors.

Dehors à faire quelque chose - mais quoi?

Si possible du vélo, de la randonnée dans la pré-cordillère alentour, des jeux au square.

Sauf que dans le quartier où j’habite et dans le pays où je vis, les “quelque chose à faire” finissent souvent par devenir des “quelque chose à acheter”.

Bon, les enfants on va faire des courses.

Bon, les enfants, qui veut aller manger une glace?

Bon, les enfants, on va acheter un puzzle?

Bon, les enfants, on va prendre un goûter au café à côté de l’école!


Et c’est mal. 

C’est mal leur apprendre que de ne faire que des choses où il faut acheter-consommer ou consommer-acheter.

Je ne veux pas élever des gosses de bourges qui ne savent prendre plaisir à rien d’autre qu’à me voir sortir la carte de crédit.

Mes souvenirs d’enfance sont de grimper aux arbres, de faire du vélo, de traîner avec des copines, d’attraper une pomme avant de partir de la maison et trouver que c’est génial, de sortir sans rien dans les poches et de rentrer sans rien dans les mêmes poches

 

Je veux apprendre à mes enfants la valeur des choses.

Leur apprendre que la valeur n’est pas dans les choses.

Leur apprendre que la valeur se trouve dans les gens. 

Leur apprendre qu’il ne faut pas jeter l’argent par les fenêtres, certes, mais surtout que l’argent ne fait pas le bonheur.


Ok, les enfants, on va à la Lagune. Mais attention, je vous préviens, dis-je d’un ton ferme en me retournant de mon siège conducteur pour un pep-talk dont ils se souviendront: j’ai pris des gourdes d’eau et de la compote. À la Lagune, je n’achète rien, ok? Je n’achète pas de glaces, pas de bouteilles d’eau, pas de croissants. On ne va pas faire le petit train, ni au supermarché, hors de question d’acheter des jouets ni même d’aller dans la librairie, vous avez assez de livres à la maison. Les enfants, c’est très important que vous compreniez: il faut qu’on puisse s’amuser sans acheter des choses, qu’on puisse s’amuser juste parce qu’on est ensemble et qu’on s’aime. Donc, on va à la Lagune, mais on va juste aux jeux, c’est clair?

Les enfants acquiescent, restent silencieux le voyage durant, méditant sans doute cette importante leçon de vie.

  

Oh, si je pouvais faire de la sortie à la Lagune un lieu sûr, en ne me cantonnant qu’aux jeux, échelles de cordes, toboggans géants, murs d’escalade, ces jeux en accès libre qui sont un véritable paradis pour mes trois petits!

Oh! Serait-ce possible… qu’ils sachent qu’il est question d’amour, de générosité, de gaieté et de bon cœur?


Sur l’esplanade à l’entrée, une dame nous voit, s’attendrit de cette jolie famille bourgeoise et proprette, affichant de grands sourires, et adresse à mes enfants une exclamation joyeuse:

- Vous en avez, de la chance, d’avoir une maman qui va vous gâter comme ça!

- Non, Madame, répond Grand avec sérieux. Ma maman ne va pas nous acheter des glaces, ni des bouteilles d’eau, ni des jouets, ni des croissants, ni des gâteaux. Il ne faut pas acheter des choses tout le temps. C’est pour ça que ma maman, elle nous laisse faire des activités seulement si elles sont gratuites.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Heloise Simonhonte, sortie