D’autres parents
 

Batailles choisies #668

Le fossé entre les parents d’un seul enfant se creuse et moi. Attention travaux en cours! 🚧


 

Mes voisins sont tous parents d’un seul enfant de moins de trois ans.

Ils ont des problèmes de vaccins.

Ils ont des peurs liées à l’entrée à l’école.

Ils parlent de recettes de goûter maison.

Ils organisent leur samedi autour d’une activité d’enfant unique, trente minutes de voiture jusqu’à Santiago pour aller à une école de musique très réputée, ou bien une matinée entière avec petit-déjeuner préféré et parc, ou une tradition d’activités manuelles et pâte à modeler.  


Bref, ils planent.

Ils planent complètement.

Ils sont vraiment à l’Ouest - dans le pays des enfants uniques, dans cette contrée des parents d’un seul enfant d’âge pré-scolaire.  

Ce sont d’autres parents.

Eux ont des conversations pleines de certitudes (de doutes masqués en certitude, en réalité) sur ce qu’il faut faire en cas de dispute entre frères et sœurs. Eux ont des conseils. Eux peuvent se consacrer pleinement au développement émotionnel et affectif de leur petit alors que moi, ben, mes enfants, non ils ne vont pas à l’école de musique, ni à la danse classique, ni au parc, non, le foot, ils ont arrêté, qu’est-ce qu’ils font le week-end, eh bien, euh… ils se disputent et ils jouent dans la rue.   


C’est drôle comme une réalité prégnante, poignante, poisseuse, collante il y a seulement quelques années me semble désormais lointaine. C’est bien vrai, qu’on oublie les soucis de la petite enfance. Ou plutôt, qu’on les remplace par d’autres et qu’une fois qu’on est sortis des tranchées, on ne regarde plus beaucoup la fange. J’ai souvent eu l’impression, lorsque je parlais de mes vrais problèmes de crèche, de nez morveux, de diversification alimentaire, à des parents d’enfants plus grands, que je ne recevais pas l’écoute active et impliquée que j'espérais. C’est pourtant pire que tout d’être parents de bébés! De l’empathie, oui, bien sûr, mais lointaine, comme si les personnes avec qui j’avais ces conversations compatissaient, sans trop. 

Je finissais froissée. 

Je suis désormais celle qui froisse. 

J’écoute les problèmes des autres et j’aime ça, écouter la vie de parents malheureux (je me sens moins seule comme ça), mais je vois aussi que je ne suis plus cette personne pleine de ces certitudes, ou confondue de doutes, pétrie d’idéaux. 

Nous aussi, nous avons sacrifié nos samedis matins, pour aller à l’école de musique, au bébé nageur, au foot, ou toute autre activité de ce genre. Nous avons tenté les cookies maison et les matinées peinture. Nous étions, Mari et moi, d’autres parents. 

Sauf qu’un autre enfant est arrivé, et puis un autre, et avec eux, la réalité des choses. Ce n’est pas que je ne veux plus m’occuper de mes enfants, ni que je trouve que ce soit une mauvaise chose d’essayer de donner tout ce qu’on peut à sa chère progéniture. C’est que je suis harassée des journées à essayer de bien faire, d’être la meilleure mère possible, sans y arriver bien sûr parce que je n’y parviens qu’à grand peine - et encore, uniquement les années bisextiles!

Ces autres parents ont beaucoup d’ambition, de projets, d’idéaux. Quant à moi, si je termine la journée et que tout le monde a à peu près mangé et est vivant, ben, je trouve que j’ai réussi. Je traîne ma parentalité, derrière ces locomotives - ou bien, j’avance comme un tortillard, en laissant derrière moi les questions trop lourdes auxquelles, de toute façon, il n’y a que des réponses fragiles, promptes à devenir caduques voire à dérailler comme des wagons de bestiaux sur de fragiles voies ferrées. 


Les parents d’adolescents m’écoutent sans doute avec la même politesse lointaine. Et pourtant, sans réussir réellement à comprendre leurs questionnements, je m’y projette, je veux savoir comment je serai, qui je serai dans cinq ou dix ans. Quand je vois des adolescents ou des jeunes hommes presque majeurs, je ne peux m’empêcher de m’imaginer, de me projeter, de me voir mère d’ados ou de jeunes adultes, de chercher à savoir qui seront mes garçons, à quinze, seize ou vingt ans


Quand nos enfants seront devenus autres, nous serons sûrement encore, d’autres parents.


Batailles en vrac⭣

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Le bobo imaginaire
 

Batailles choisies #667

Un cri perce la nuit - un cri de douleur. Ou bien est-ce le fruit de mon imagination? ❤️‍🩹


 

Qu’est-ce que j’entends, est-ce un cri imaginaire

Qui perce ma nuit

Non bien sûr une milliseconde et je sais bien que

Comme toutes les nuits c’est un cri bien réel


Ensuquée maternelle et résignée, l’imaginaire

Encore pétri de rêves de sommeil continu

Je titube jusqu’au lit de Dernier

Me glissant près de lui avec mon fatalisme bien réel


Parce que qu’est-ce que je vais faire, croire à l’imaginaire

Père Noël du doux sommeil qui n’est pas passé chez moi

Depuis presque neuf ans, le lâcheur, non, plutôt recourir

À ma stratégie de survie - dormir là - bien réelle


Sauf que contrairement à d’autres nuits l’imaginaire

Devient cauchemar: Dernier geint, se tortille, chouine

Me laisse présager le pire, oh, non, pas malade, 

Pas encore, on était pourtant sortis de ces emmerdes bien réelles


Il pleurniche donc et ce n’est pas le rêve idéal, non, ni le bel imaginaire

De mon enfant c’est un cri de douleur

Aïe aïe aïe, j’ai mal, j’ai mal

Dit-il d’une voix qui ne laisse aucun doute: maman, ma douleur est bien réelle


Mais où, où mon chou, où as-tu mal? Ce n’est pas son imaginaire

Qui lui joue un tour, non, il me montre 

Son genou, son tibia, ah sans doute comme tant de fois

Il s’est frappé contre le montant de son lit superposé, métal bien réel


Caresses, chuintements rassurants, tout ce qui vient à mon imaginaire

Pour le faire taire et me laisser dormir

Les bisous sur le genou mes frottements thérapeutiques

Ne marchent pas et la perspective d’une nuit pourrie devient bien réelle


Alors Dernier me lance une perche, il murmure depuis son diplôme imaginaire

De médecin: un pansement, je veux un pansement,

J’ai mal, je veux un pansement

D’accord, un pansement, c’est une solution, rapide et bien réelle


Vite vite dans la salle de bains, avant que mon imaginaire

Ne s’échappe vers mes problèmes du jour

Vers tous les soucis qui peuvent me garder les yeux ouverts

Et qu’il me tienne pour les deux prochaines heures dans un éveil bien trop réel


La boîte est ouverte, un pansement est sorti puis appliqué avec un baume imaginaire

Sur une peau sans blessure, sans la moindre égratignure

Et le bout de coton a sur l’âme de mon bambin

Douceur, rassurance, compréhension, pour un effet bien réel  


Retour de Dernier et de moi-même vers le pays trop souvent imaginaire

Des doux rêves ou mieux du lourd sommeil

La comédie du bobo et du baume a marché, le pansement a pansé

Je ne sais quoi mais le problème a bien trouvé sa réponse réelle

 

Pour soigner un bobo imaginaire

Nous vous recommandons, mesdames les mères, un câlin bien réel


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