C'est bientôt fini?
Batailles choisies #595
Salut les gens. Il y a des jours où je ne m’en sors pas, en tant que mère. Je suis débordée, dépassée. Mes gosses me marchent dessus. Franchement, j’ai honte. C’est moi qui fais tout mal ou quoi? Aide (ou bienveillance ou tape sur l’épaule) demandée. #lasemainedelamauvaisemère 🔚
Mais c’est moi le problème?
Non, mais franchement, dites-le-moi.
C’est pas possible, là.
J’ai rarement galéré autant.
Je me suis fait complètement déborder.
Je me suis fait piétiner.
Je ne m’en sors pas, de ce samedi matin.
Un peu de contexte, histoire de capter votre bienveillance. Milieu va à son club de foot à 9h30. Grand va à son cours de musique à 11 heures. Mari a, durant quelques semaines, des réunions en visio de 9 à 11 heures. D’habitude, il amène notre Dernier terrible chez sa mère, qui, cette semaine est malade. Je suis donc seule à trimballer mes trois gosses de l'activité du premier au loisir du deuxième en occupant les deux qui restent. Écoute, si ta mère est malade, tant pis, je m’en occupe, j’ai l’habitude. Ça va pas être si terrible, si? Bientôt, ce sera fini.
Au club de foot, alors que Milieu trottine avec un enthousiasme modéré vers le groupe et l’entraîneur, Dernier échappe à ma vigilance et va chiper deux gros cookies au chocolat à un stand. Ok, c’est bon, je paie. Grand se plaint et insiste pour qu’on aille lui acheter ses fournitures. Milieu, dans le coin du terrain, lambine et traîne des pieds, avant de se mettre à pleurer. L’entraîneur me l’amène: il dit qu’il ne veut pas jouer. Bon, mode chouinage activé, il va donc falloir que j’active le mode maternage, Milieu, qu’est-ce qu’il t’arrive, on fait un câlin pour te ressourcer et ensuite, tu y vas… non? Tu ne veux faire que le match, pas l’entraînement? Bon, ben… allez, il faut attendre 20 minutes. Grand insiste pour qu’on aille à la boulangerie d’à-côté, où les enfants qui attendent le footballeur me soutirent une viennoiserie toutes les semaines, oui, mais Grand, je sais que j’ai promis un croissant et qu’on en profiterait pour acheter les stylos qu’il te manque, mais là il faut attendre que Milieu retourne sur le terrain, on est coincés. Et pendant que je console Milieu qui ne veut pas jouer, j’utilise les yeux que j’ai derrière la tête pour vérifier que Dernier est encore près de moi. Je plaisante, bien sûr. Je n’ai aucune idée s’il est encore là, je demande à Grand de surveiller son petit frère, ah si attend, il est là, regarde.
Coup de sifflet, Milieu finit par aller jouer, j’attrape les 2 mécontents qu’il reste et me dépêche d’aller à la boulangerie, où Dernier fait un caprice pour un chocolat, non, on a dit un pain au chocolat ou une brioche, où il veut aussi un soda, non, hors de question, dont enfin, je réussis à le faire sortir… pour n’aller que de Charybde en Scylla. À la papèterie, Dernier attrape une dizaine de paire de ciseaux, que je peine à remettre en place. J’ai honte, j’ai honte… Dernier, évidemment refuse de partir, crie “non!” du haut de ses terrible twos, je dois presque lui courir derrière dans le magasin, putain que j’ai honte… Et puis… ça pue… il a fait caca, c’est sûr… c’est pour ça qu’il s’est caché dans le rayon post-its…
Heureusement que les Chiliens sont gentils avec les enfants.
Les vendeuses ne se formalisent pas, au contraire, elles font risette à ce petit, trop mignon, pendant que je souris péniblement. Je manque de me retrouver à acheter une plaque de polystyrène que Dernier avait l’intention de découper avec un ciseau volé et un grand sourire machiavélique mais à force de suppliques et de chantages bienveillants, je laisse derrière moi la honte, le sentiment d’être une mauvaise mère, la plaque des polystyrène quasi intacte, les dix emballages de ciseaux, et l’odeur d'égout.
Ouf… je change Dernier dans le coffre de la voiture, avec tactique d’hypnotiseur, au fait, Dernier, tu ne sais pas ce qu’a dit Papa? Et enfin… on récupère Milieu de son entraînement… il a fini par jouer? je demande au prof. Il m’a dit qu’il voulait être arbitre. Il s’est baladé sur le terrain.
Heureusement que les Chiliens sont gentils avec les enfants et que personne ne force son humeur boudeuse!
La première partie est finie, c’est la plus galère… la deuxième se passera forcément mieux.
Allez, on va à la Lagune. Bon, Grand à la musique, il faut qu’on aille acheter des livres pour les cadeaux de deux anniversaires à venir. Les enfants, vous vous rappelez? Quand on entre dans la librairie, vous vous asseyez sur le sol et vous feuilletez un livre ensemble, tranquillement et sans faire de bruit. Je ne suis pas sûre que mes enfants parlent français, sans doute, ils n’ont pas compris mes recommandations, parce que, présentement, Milieu pianote sur le clavier de l’ordinateur, Grand a trouvé un cône orange de construction qui servait d’interdiction à quelque chose mais qu’il utilise présentement comme haut-parleur. Ils ont dû quand même comprendre “livre” parce que Dernier enlève deux trois romans historiques d’une tête de gondole, pendant que Milieu feuillète des mangas inappropriés. Heureusement que les Chiliens sont gentils avec les enfants, puisque les vendeuses trouvent mes enfants mignons (ce qu’ils ne sont pas du tout). L’une d’elles propose à Dernier: regarde, je te donne ce papillon en origami que j’ai fait, et toi, tu me rends le cône orange. Ouf, on a les livres, on repart.
Non, non, on repose le jouet du stand d’à côté que vous avez volé et qu’en vous courant après, j’ai cassé mais heureusement, heureusement, le vendeur n’était pas là et je n’ai pas dû acheter la merdouille en plastique…
Quand est-ce que ça s’arrête? C’est bientôt fini, la matinée de l’enfer?
Ouf! Un château gonflable! Ah mais oui, il y a une sorte de marché aujourd’hui, avec des stands… super, un château, ça va faire passer l’heure. Quelques minutes passent, et je vais payer, les conséquences d’une décision de non-parents… un idiot a programmé l’arrosage automatique à 11 heures, un samedi matin… Dernier évidemment, veut y aller, ouf, je bénis les grilles, il ne trouve pas l'entrée, mais il n’abandonne pas, non! Il s'enfuit dans la foule qui se densifie à cette heure et fait le tour. J’abandonne donc Milieu au château et regarde, impuissante, Dernier se tremper comme s’il avait sauté dans une piscine, en se plaçant juste devant chacun des asperseurs. Heureusement que les Chiliens sont gentils avec les enfants. Les dames qui tiennent le château rient et me disent “ah les enfants” avec des airs complices, pendant que je retiens mes plus gros soupirs de lassitude. Les affaires de rechange sont dans la voiture, je prends le sac de la librairie, un mécontent sec de partir du château, et un mécontent trempé, descends jusqu’au bout du parking où le mauvais karma m’a suggéré de garer la voiture, déshabille Dernier, me fâche très fort parce qu’il s’est non seulement planqué entre les sièges pour que je ne puisse l’attraper, mais a commencé à déchirer le papier cadeau du livre tout frais acheté. Face à mon visage rouge de colère, Dernier arrête les bêtises, se laisse habiller puis les deux marmots terribles, un peu penauds de m’en faire voir de toutes les couloirs, me suivent résignés jusqu’à l'école de musique.
Ça finit là, ma matinée galère, non?
Mais bien sûr que non!
Parce qu’avant l’école, il y a un magasin d’ameublement, où des responsables marketing ont trouvé qu’il serait une excellente idée de mettre en vitrine de splendides meubles mini-cuisine pour enfants! Milieu et Dernier s’engouffrent dans le magasin avant que j’aie le temps de voir rouge. Ils se mettent dans le coin des jouets, où horreur, il y a des crayons de couleurs et où, horreur, on me fait signe que tranquille, les enfants sont bienvenus, ils peuvent dessiner sur les livres de coloriage. Heureusement (ou malheureusement) que les Chiliens sont gentils avec les enfants… Et, Monsieur, ils peuvent aussi dessiner sur les meubles? Et sur les canapés à 3000 euros? Non parce que là, je vois rouge, vert, bleu, jeune, les crayons de couleurs dans des petites mains maladroites…
Ouf, j’arrive à sortir, on est presque au magasin de musique… c’est bientôt fini cette galère…
Avant il y a, bien sûr, encore un cercle des Enfers, un Décathlon, vers lequel mes gamins courent pendant que je range vite fait mal fait les crayons du magasin d’avant. Mes gosses sortent des balles, commencent des parties de basket-foot-volley avec les pieds, les mains, la tête mais certainement pas avec les oreilles qui écouteraient ce qu’a dit Maman. Je croise, au milieu du Décathlon et de mon désarroi, une collègue de l’école:
- Ça va?
- Non, c’est l’horreur, je galère avec mes gosses…
- Ah, je connais ça… courage!
Ouf, j’ai récupéré Grand, j’ai mis les trois gosses dans la voiture et j’ai mis le contact. C’est fini.
Je raconte tout ça à mon mari en rentrant… Je crois que j’ai jamais autant galéré… Mais c’est moi le problème? Non, mais sincèrement? Je fais quoi qui ne va pas?
- Si on considère que tu as failli rentrer avec un meuble pour enfant et un canapé à 3000 euros avec des traces de feutre, trois livres sur la deuxième guerre mondiale, un jouet en plastique cassé, un ballon de rugby et des balles de tennis, c’est plutôt une bonne matinée.
Non, mais voilà, je repasse dans ma tête mon samedi matin et je me dis: oui, la situation était galère à la base… mais non, ça ne va pas. Il y a quelque chose que je fais qui ne va pas. Je ne préviens pas assez mes enfants genre “vous ne touchez à rien!”? Ou je ne les engueule pas assez quand ils se mettent en mode touche-à-tout? Ce n’est pas possible.
Je trouve en général des excuses à mes enfants et à moi. Mais là, non. Finies les excuses. Je n’éduque pas assez bien mes gosses pour sortir en public.
Fin du thread.
Et début du travail sans fin.